Ce syndrome est caractérisé par des douleurs neuropathiques (secondaires à une atteinte du système nerveux central ou périphérique, c’est-à-dire touchant le cerveau, la moelle épinière ou les nerfs) associées à une atteinte du système nerveux autonome (partie du système nerveux qui est liée aux organes internes). Le plus souvent, le SDRC apparaît suite à une fracture, une intervention chirurgicale, une entorse ou encore un examen arthroscopique. L’origine de cette pathologie serait avant tout centrale avec des symptômes périphériques associés (1).
Physiopathologie du SDRC
Le SDRC est défini comme une pathologie pouvant atteindre un membre ou un segment de membre (2).
On distingue deux types de SDRC définis chacun par l’International Association For The Study Of Pain (IASP). Le SDRC de type I, anciennement appelé « algoneurodystrophie », est décliné par l’IASP comme suit : « Syndrôme douloureux se développant localement après un événement nociceptif (douloureux), de façon disproportionnée par rapport à l’événement initial et ne restant limité qu’au territoire de projection d’un nerf périphérique ». Le SDRC de type II, anciennement appelé « causalgie », est expliqué comme un « syndrome douloureux, habituellement d’une main ou d’un pied, débutant après une blessure incomplète d’un nerf ou d’une de ses branches principales. La douleur de type neurogène évolue peu à peu vers un syndrome comparable au SDRC de type I ».
Le SDRC est caractérisé par différents stades (Schwartzman RJ et al., 1987) :
- le stade 1 : douleur, œdèmes, troubles vasomoteurs localisés
- le stade 2 : progression de l’œdème, épaississement de la peau et des tissus mous, atrophie musculaire (3-6 mois)
- le stade 3 : limitations des amplitudes de mouvement, rétractions tendineuses, peau cireuse, altérations unguéales (ongles)
En 2002, Bruehl et al. proposent une classification en 3 sous-types du SDRC :
- le sous-type 1 : syndrome limité avec prédominance de troubles vasomoteurs
- le sous-type 2 : syndrome relativement limité avec prédominance de douleurs neuropathiques
- le sous-type 3 : tableau clinique floride
D’après Bruehl et al., en 2002, la classification initiale est un leurre. En effet, les personnes atteintes d’un SDRC ne passent pas forcément par tous les stades cités par Schwartzman RJ en 1987. Les sous-types de SDRC correspondent mieux et permettent un traitement plus adéquat de la pathologie en fonction de la personne et de ses symptômes. Cependant, cette classification n’est pas validée dans la littérature.
Le mécanisme d’apparition du SDRC reste controversé mais on sait depuis quelques années que l’origine de cette pathologie est centrale. Elle comporte aussi une atteinte périphérique.
Au niveau cérébral, il apparaît une hyperexcitabilité des neurones nociceptifs (neurones de la douleur) due à une modification de leurs propriétés électro-physiologiques (Serge Perrot et al., 2002). Le système nerveux central associe n’importe quelle stimulation à la douleur alors que ce ne serait pas le cas en temps normal (intérêt de la thérapie miroir).
Prise en charge de physiothérapie
Dans le cadre de cette pathologie, la kinésithérapie a pour buts : la conservation de la mobilité, le recouvrement fonctionnel et, bien-sûr, le contrôle de la douleur. En effet, la douleur et l’hyper-algie sont tellement importantes dans certains cas que l’utilisation du membre affecté est compromise. La prise en charge doit être précoce et pluridisciplinaire. Comme cette pathologie est à multiples symptômes, le thérapeute doit pouvoir proposer un traitement adapté.
Le traitement en kinésithérapie proposé serait tout d’abord à visée antalgique via l’éviction ou la correction des contractures musculaires réflexes, des attitudes vicieuses. De nombreuses techniques seront utilisées afin d’obtenir une désensibilisation (biofeedback proprioceptif). On utilisera aussi en tant que kinésithérapeute la thérapie manuelle, l’hydrothérapie, des techniques isométriques ainsi qu’une remise en charge progressive pour une meilleure revalidation locomotrice.
On retrouve également d’autres techniques déjà utilisées pour d’autres pathologies comme la douleur fantôme après amputation, l’hémiplégie, les troubles psychosomatiques et latéraux… Une de ces thérapeutiques est la thérapie miroir.
Le traitement par la thérapie miroir a été souvent abordé durant ces dernières années. Ramachandran et al., en 1996 ont été les premiers à s’intéresser à cette technique. Ils ont remarqué que lors de douleurs fantômes secondaires à une amputation, le travail en miroir permettait de diminuer significativement ces douleurs.
On place un miroir entre les deux membres. Le sujet doit regarder le reflet du côté sain dans le miroir. On demande au sujet de bouger le membre sain et de regarder le reflet du mouvement dans le miroir. Le sujet a ainsi l’impression que c’est le membre pathologique qui bouge sans pour autant que la douleur n’apparaisse puisque le membre pathologique ne bouge pas. Comme nous l’avions dit précédemment, le cerveau des personnes présentant un SDRC déclenche de manière systématique un stimulus douloureux lors d’une activation du membre atteint. Le cerveau est « illusionné »..
En 2005, Harden RN et al., ont effectué une étude contrôlée sur la thérapie miroir et le SDRC. Il en est ressorti une amélioration de la douleur et de la discrimination tactile au niveau du membre pathologique.
En fait, ces résultats deviennent possibles car chaque hémisphère cérébral à un contrôle sur son côté opposé dans le corps. De plus, il existe une inter-connectivité entre ces deux hémisphères. La partie du cerveau qui gère le côté pathologique peut ainsi retrouver un fonctionnement normal via l’hémisphère sain et les informations que ce dernier reçoit.
Un autre traitement a été étudié, c’est celui de la rééducation proprioceptive vibratoire. Cette technique aurait le même effet que la technique miroir. En appliquant une vibration sur le tendon d’un muscle on créerait une illusion du mouvement.
Monsieur Gay A (2007), dans un essai ouvert, a testé cette technique. Il disposait d’un groupe témoin (rééducation conventionnelle) et d’un groupe bénéficiant de la rééducation vibratoire. Après 10 semaines de traitement, le groupe témoin n’avait aucune amélioration de la douleur. Le groupe ayant bénéficié des vibrations a quant à lui vu ses douleurs diminuer de 50% (avec diminution de la prise d’antalgique) ainsi qu’une augmentation de la mobilité articulaire de 30% supérieure à celle du groupe témoin.
En 2005, Moseley GL, propose un traitement sur douze semaines chez des personnes ayant développé un SDRC suite à une fracture du poignet. Il demande aux sujets d’effectuer quotidiennement et pendant 10 minutes des exercices de reconnaissance de la latéralité (I), des mouvements imaginaires (II) et des exercices type thérapie miroir (III). Il répartit ses sujets en trois groupes. Le premier effectue les exercices I, II et III, le deuxième fera les exercices III, I, III (dans cet ordre précis) et le dernier groupe fera les exercices I, III et I (dans cet ordre précis également).
A 12 semaines, la douleur avait diminué de façon plus importante pour le groupe avec les exercices I, II et III. Il n’y a en revanche pas eu d’amélioration relative du côté fonctionnel.
Cette pathologie s’accompagne de divers symptômes comme des déficits de force, allodynies, troubles de la sudation, troubles thermiques, modifications de la peau. D’après Forderreuther S et al (2004) une exclusion fonctionnelle du membre due à l’accumulation des nombreux symptômes peut être observée.
Janig et Baron (2002) suggèrent que cette pathologie pourrait trouver son origine dans une altération des processus d’intégration des informations sensorielles et motrices.
On a donc dans cette pathologie de nombreux symptômes qui aboutissent à une diminution de la mobilité du membre atteint.
Conclusion
En conclusion, la physiothérapie joue un rôle essentiel dans le traitement du SDRC, offrant de multiples avantages pour les patients atteints de cette affection complexe. En combinant différentes techniques et approches, les physiothérapeutes sont en mesure d’améliorer la fonctionnalité, de réduire la douleur et de favoriser la guérison chez les personnes souffrant de cette pathologie. Les exercices thérapeutiques, les mobilisations articulaires, les techniques de relaxation et les méthodes de désensibilisation sont autant d’outils utilisés pour restaurer la mobilité, réduire l’inflammation et rétablir une qualité de vie optimale.
La physiothérapie offre également un soutien psychologique précieux, permettant aux patients de mieux comprendre leur condition et d’adopter des stratégies d’adaptation efficaces. Les physiothérapeutes jouent un rôle de guide et de motivateur, encourageant les patients à persévérer dans leur programme de traitement ainsi qu’à surmonter les défis physiques et émotionnels liés au SDRC.
En outre, la physiothérapie permet une approche individualisée, prenant en compte les besoins spécifiques de chaque patient. Les séances de rééducation sont adaptées en fonction de l’évolution de la maladie, favorisant ainsi une progression graduée vers la récupération. Cette approche personnalisée contribue à rétablir la confiance du patient dans sa capacité à se rétablir et à retrouver une qualité de vie optimale.
Bien qu’il n’existe pas de traitement curatif pour le SDRC, la physiothérapie se révèle être un allié précieux dans la gestion des symptômes et dans la promotion de la guérison. Grâce à son approche holistique, intégrant des aspects physiques et psychologiques, la physiothérapie apporte un soulagement significatif aux patients souffrant de SDRC, les aidant à retrouver une fonctionnalité optimale et à reprendre le contrôle de leur vie.
En définitive, la physiothérapie représente une composante essentielle dans la prise en charge du SDRC, offrant une approche globale qui favorise la récupération physique et émotionnelle des patients. Grâce à ses techniques spécialisées et à son accompagnement personnalisé, elle contribue à atténuer les douleurs, à restaurer la mobilité et à améliorer la qualité de vie des personnes touchées par cette affection.
Bruehl S., Harden RN., Galer BS., « External validation of IASP diagnostic criteria for complex regional pain syndrome and proposed research diagnostic criteria ». Pain 81:147–54, 1999
Gay A., Parrate S., Salazard B., Guinard D., Pham T., Legré R. et al., “Proprioceptive feedback enhancement induced by vibratory stimulation in complex regional pain syndrome type I an open comparative pilot study in 11 patients ». Joint Bone Spine 74: 461-6, 2007
Schwenkreis P., Maier C., Tegenthoff M., « Motor cortex disinhibition in complex regional pain syndrome (CRPS)-a unilateral or bilateral phenomenon? » Pain 115: 219–20 (Author reply 20–1), 2005
Schwartzman RJ., McLellan TL., « Reflex sympathetic dystrophy: A review. » Arch Neurol 44: 555–561, 1987
Perrot S., Trèves R., « Les douleurs neuropathiques » Revue Rhumatismale 69 : 961-70, 2002
Manning DC., « Reflex sympathetic dystrophy, sympathetically maintained pain, and complex regional pain syndrome: diagnoses of inclusion, exclusion, or confusion? » J Hand Ther 13: 260–8, 2000
Janig W, Baron R. « Complex regional pain syndrome is a disease of the central nervous system. » Clin Auton Res 12: 150–64, 2002
Forderreuther S., Sailer U., Straube A., « Impaired self-perception of the hand in complex regional pain syndrome (CRPS) ». Pain 110: 756– 61, 2004
Moseley GL., « Is successful rehabilitation of complex regional pain syndrome due to sustained attention to the affected limb? A randomized clinical trial ». Pain 114 : 54-61, 2005
Bruehl S., Harden RN., Galer BS., « Complex regional pain syndrome: Are there distinct subtypes and sequential stages of the syndrome? ». Pain 95: 119–124, 2002